Premier jour de Jiro à la Super World Star.

Il était à peine dix heures du matin. Assis sur son lit, buvant quelques gorgées de café, Mitia soupira. Le journaliste avait très mal dormi, comme s’il fut tourmenté par quelque chose sans savoir quoi au juste. Une idée à la fois fixe et brumeuse lui tiraillait l’esprit, l’empêchant depuis un certain temps d’avoir un sommeil profond et paisible. Il désirait rédiger des articles sur les vedettes du Cinéma, de la Mode ou de la Musique, mais celles-ci se faisaient de plus en plus rares. Telles des fantômes, on en entendait parler sans jamais réussir à les croiser. Ainsi, Mitia souhaitait obstinément pouvoir repérer l’une de ces personnes, et qui pourrait faire le sujet d’un de ces prochains articles.

Le jeune journaliste se prit le visage dans les mains. Il était déjà dans la merde. Pas assez de fric pour tenir jusqu’à la fois du mois. Faisant un rapide calcul, il sut immédiatement que l’argent lui manquait. Il fallait trouver un moyen pour s’en sortir….

Mitia se dirigea vers l’armoire pour se changer. Il n’avait pas envie de faire particulièrement d’effort pour sa tenue vestimentaire. Pour cette journée ensoleillée, il choisit de porter un jean usé et un pull blanc.

Une belle journée s’annonçait. Mais il n’était pas vraiment de bonne humeur pour apprécier un ciel bleu, et un soleil brillant. Passant un coup d’œil sur son appart inspectant chaque recoin, il remarqua que tout était en désordre, et qu’il était temps de penser à faire le ménage. Juste le nécessaire…. Il détestait ça, les corvées ! Tss…ça le faisait chier. Il examina également avant de sortir les placards…Raah ! Vides ! Eh merde…ça faisait presque une semaine qu’il mangeait que du riz. Actuellement, il n’en restait plus. Bien. Pas moyen de faire autrement…il fallait aussi songer à faire les courses.

Après avoir quitté sa modeste maison qui était à l’intérieur dans un état lamentable, Mitia se dirigea vers La SWS Entertainment afin de voir s’il y avait de nouvelles infos ou autre chose d’intéressant.

Un petit moment de marche, et voilà, il se tenait désormais devant le bâtiment A. C’était tout près de chez lui. Heureusement…lui qui n’avait pas de voiture et qui jugeait couteux de prendre un taxi, ça aurait été pénible d’habiter trop loin. Mitia entra. Il avançait tout en gardant son oreille collée à son portable. Il discutait depuis une bonne demi-heure avec l’un de ses collègues.

Discutant de boulot mais aussi de quelques blablas inutiles et autres ragots, Mitia s’était mis à arpenter le jardin sans peut-être s’en apercevoir. Il fixait les arbres et les fleurs sans vraiment les voir, demeurant entièrement concentré sur sa conversation. Il n’arrivait jamais à rester immobile, ni s’asseoir, c’était une manie chez lui de vouloir bouger constamment.

Il se mit ouvertement à rire à une réplique de son ami. Sans cesser de lui parler, il distingua un type au loin apparaissant dans son champ de vision. Il s’avança, curieux.

- Bof….Sincèrement, j’ai pas vraiment aimé.
-…
-J’aimerai bien mais, en ce moment j’ai pratiquement plus d’argent sur moi
-…
-Ouais !
-…
- Ok… Alors, en attendant, on en reparlera la semaine prochaine.
-….
- Ciao

Mitia raccrocha. Il s’approchait de plus en plus en plus de l’inconnu. Ses lèvres affichaient un léger sourire. C’était plus fort que lui. Il voulait voir ce mec de plus près. Quelques instants après, il se tenait debout devant lui, l’air parfaitement désinvolte. Quelques pas les séparaient. Sans cesser de sourire, le dévisageant sans retenue, Mitia lui demanda aussitôt :

- Vous venez ici pour affaire?

C’était un nouveau, Mitia en était sûr. Il n’avait encore jamais vu cette personne, pourtant il était au courant de tout ce qui se passait ici. Enfin, c’est ce qu’il pensait.

Le rythme de sa vie était étrangement monotone ces jours-ci. Certes, il aimait rester tranquille, ne pas avoir d’embrouille et passer inaperçu, mais pas au point de s’ennuyer carrément. Repoussant ses idées dans un coin de sa tête, il observa l’autre avec un sourire délicat aux lèvres. On dirait qu’il l’avait fait sortir de ses songes. Il avait remarqué que ce dernier l’examina un instant. Mitia n’en était pas déconcerté, juste un peu confus. C’était assez gênant pour lui qu’on l’observe même s’il ne le montrait jamais. Dissimulant son trouble pour ne rien en laisser transparaitre, il gardait son air calme et jovial.

Généralement, quand il venait à ce jardin, il trouvait l’endroit désertique. Venir admirer l’herbe, les fleurs et les arbres semblait une idée absurde. Tout le monde était trop occupé. Les couloirs bandés de gens au visage cerné reflétant une extrême fatigue, pressés dans leurs affaires, et qui couraient d’une salle à une autre comme si le temps risquait de s’estomper à tout moment. Personne ne pensait à venir ici se détendre. Personne ne vous accordez un sourire, sauf quand c’est hypocrite. Et personne ne pensait à parler juste pour le plaisir de partager quelques moments de bienêtre.

Mitia constatait cela tous les jours sans étonnement. Il ne se distinguait pas de ce lot. Comme eux, il n’avait rien de particulier, sauf ses motivations personnelles. Il n’aurait jamais adressé la parole à cet homme s’il n’avait pas vu en lui un sujet potentiel dans un de ces prochains articles.

L'homme en face de lui semblait bien silencieux, solitaire et absorbé par ses pensées. Il n’était sans doute pas du genre bavard, pensa Mitia. Bah, tant mieux dans ce cas. Il soupira de soulagement intérieurement. Ça leur évitera des paroles inutiles. Mitia ne se souciait pas s’il l’avait dérangé ou pas. Il se fichait éperdument tant sa curiosité l’emportait et le poussait à engager la conversation avec cet homme.

Au fond, il se demandait quelle attitude prendre….mais il n’y réfléchissait pas vraiment, il agissait suivant ses intuitions. Il voulait avoir l’air le plus naturel possible.

A travers le flux de pensées, il hésita à s’asseoir. Finalement, il glissa son téléphone dans sa poche, et vint prendre place à côté de l’inconnu.

A sa question "Vous êtes producteur ?" Il eut un léger rire nerveux. Il lui répondit sur un ton calme, teint d’une lueur d’amusement.

-J’en ai l’air? Les producteurs ont tous au moins dix kilos de plus, ils ressemblent à des zombis, ils sont mal rasés, et portent des lunettes. Une fois, j’en ai même rencontré un qui zozote…

Mitia fixa une petite pose, portant son attention sur le brun, il se mit à le détailler.

-Si ça ne te dérange pas, je préférerais qu’on se tutoie. Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence d’âge entre nous. Mon nom c’est Mitia Katarania et je suis journaliste.

Il lui tendit alors sa main.

Le mec à côté de lui était vraiment sympa, et semblait assez curieux à son sujet. Bah, c’est avec un sourire de satisfaction que Mitia allait lui répondre. Il était content qu’un climat de dialogue s’instaure entre eux sans qu’il y ait méfiance, ni la moindre gêne. Ce type semblait ouvert, et assez sincère. C‘était rare de nos jours.

Il redoutait de tomber sur quelqu’un d’introverti, peu enclin à la conversation. Ce genre de personnes sont nombreuses. Là, ce n’était nullement le cas. Tant mieux. En plus, son interlocuteur était beau à voir. D’environ vingt- huit ou trente ans, il avait un profil presque sauvage. Il émanait de lui une aura très virile. Il avait des traits ciselés de façon presque sévère, accentuée par un menton volontaire. Ses cheveux d’un noir de jais lui retombaient sur les oreilles et sur le front en mèches désordonnées. Il avait une allure peut-on dire rebelle. Et aux premiers abords, il paraissait rebutant, et agressif. Pourtant, Mitia était surpris de constater que son apparence ne reflétait guère sa personnalité. C’était quelqu’un de très aimable. Eh oui ! Comme quoi, faut pas se fier aux apparences.

Ainsi donc, il ne regrettait pas d’avoir quitté son appart ce matin. Il était sorti surtout pou se dégourdir les jambes. Le simple fait de marcher avait commencé à lui manquer. Sans compter qu’il ne supportait pas l’ennui. Et il n’aurait jamais cru que sa promenade se terminerait par une si charmante rencontre.

Il avait choisi la SWS comme il aurait choisi n’importe quel autre label. Tant que ça rapporte de l’argent ! On connaît le discours habituel, l’argent ne fait pas le bonheur, mais en attendant si t’as pas de fric, et que tu n’as rien à bouffer, tu n’as aucune chance pour irradier de joie.

Certes, Mitia avait beaucoup d’ambition. Le métier de journaliste avait été depuis longtemps sa passion. Mais il n’y avait aucun domaine qu’il préférait particulièrement à un autre. Toutes les rubriques de thèmes recevaient une part égale de son indifférence. Suivant le conseil d’un de ses potes, il avait choisi de se lancer dans la Rubrique « Culture », avec des articles qui se rapportaient aux arts, comme le cinéma, le théâtre, la musique, la peinture…etc. En faisant son entrée à la SWS, il s’intéressait désormais plus à la musique, la mode, et au cinéma. Eh oui, le monde des figurines sur scènes. Ridicules ! Mitia exécrait en quelques sortes ces vedettes qui étaient pratiquement toutes des êtes excentriques, et imbues de leur personne. Mais bien sur, pour l’argent il allait mettre ses sentiments de côté, et jouer les sournois.

Ainsi, ses journées défilaient sans le toucher du point de vue émotionnel. Le monde des stars l’indifféraient totalement. Son travail se faisait de façon mécanique. Il écrivait sans chercher à comprendre, pourtant certains sujets qui défilaient à propos des célébrités étaient vraiment impressionnants.

Bien sur, il n’allait faire étalage de tout ceci à son interlocuteur. Un coin de son cerveau s’occupait à choisir et agencer les mots qu’il fallait pour exposer à ce jeune homme son travail. Ses mots masquaient une part de vérité. Ainsi, Mitia bichonnait les choses, tout en tâchant à rester concis, car il n’avait pas envie d’exagérer.

- Je travaille à la SWS depuis bientôt un an. Je rédige des chroniques et des articles dans la rubrique culture. J’ai été embauché ici sans grande difficulté. Plus que la technique, c’est surtout la capacité à ouvrir les yeux sur le monde qu’ils exigent. La culture générale est aussi une qualité particulièrement recherchée. Ce n’est pas forcément simple, mais l’important dans ce métier c’est de pouvoir créer un réseau de sources pour rester actif et gravir les échelons!

Il se redressa légèrement pour glisser une main dans sa poche, et en tirer une petite carte. Elle contenait son numéro de téléphone et son adresse. Il tendit le papier au brun avec un léger sourire.

- Je ne sais pas si on va se revoir ici, mais comme ça, on est au moins sûr de rester en contact, n’est ce pas ? Puis-je savoir quel est ton nom ?

Eh oui, l’inconnu ne s’était toujours pas présenté.

À côté de la silhouette altière de l'homme, je devais ressembler à une marionnette ou je ne sais quoi. A chaque que j’étais en présence d’une personne bien bâtie, une part en moi se mettait à se morfondre amèrement, regrettant ce corps androgyne. Je l’observais discrètement du coin de l’œil, on aurait pu penser que cet homme était sorti direct d’un atelier de sculpture. Grisant.

J’arborais un sourire délicat, mais je restais d'un naturel méfiant. Normal, à force d’avoir rencontré de mauvaises personnes sur mon chemin ombrageux, j’avais tendance à tout remettre en doute. Néanmoins, il se dégageait de cet homme une sorte d’aura tranquille, rassurante, et presque intimidante. Intimidante…oui, car je me demandais par moments si mes fonctions sensorielles ne se trouvaient brouillées tout à coup ? Ce qui me rendait un peu nerveux.

Je mordis la lèvre rageusement, jusqu'à me faire sérieusement mal. Mais voilà, je devais me résigner à voir partir l’homme à côté de moi. Un peu hagard, j’acquiesçai d’un signe de tête. Je le saluai de manière assez spontanée, en lui souhaitant bonne chance. Je n’étais pas sûr de le revoir….non vraiment pas. Cette carte que je lui avais tendue ne représentait qu’un futile espoir. Pas la peine d’y croire là-dessus. Je n’avais pratiquement aucune chance de le revoir…aucun prétexte. Je ne pouvais absolument pas compter sur l’idée qu’il cherche à me contacter un de ces jours. Voyons, ce serait absurde vue le côté distant que j’avais observé chez lui. Raaahhhh pourtant, j’ai quand même pas résisté à la tentation de lui tendre ma carte. Le vent s’enfila dans mes cheveux. Je grimaçai un sourire en le voyant partir. Adieu. Lamentable hein ? Hé…mais pourquoi je me pourrie la vie comme ça moi ?! Va falloir que je me ressaisisse. Et vite. Cependant, je ne peux pas nier le fait que j’aurai voulu que sa compagnie dure un peu plus. Parfois, je deviens sacrément bizarre.

Voilà...C’est ça ce que je déteste le plus. Ne pas pouvoir contrôler une situation, et surtout ce qu’on peut ressentir. Au final, je regrettais d’être venu ici. Ce n’est pas que je n’aimais pas l’endroit, mais à présent, ce vide qui s’installait autour de moi me faisait chier. Assis là, seul sur ce banc, comme c’est pathétique. Fatigué, je me frottai le visage et soupirai longuement avant d'attraper un joint et de l'allumer, regardant le bout incandescent d'un œil terne. Je me mis à réfléchir sur le programme de la journée. Que faire ?... Ravitaillement, tiens. Je déteste ça. Et quand ça m’arrive, je fais le plein pour le mois à venir, voire même les deux mois à venir dans le meilleur des cas. Je ne fais jamais attention à ce que j’achète. Je mange de tout en général. Les paquets de riz, et d’autres denrées non périssables pourraient rester des mois dans mon garde-manger, et ça finit toujours par être utilisé.


Alors là, mais là….vraiment…je m’attendais pas à le voir ressurgir. J’écarquillai les yeux pour préciser ma vision….ouais, pas de doute, c’était bien lui ! Je dois bien admettre que j’étais carrément surpris. Mais surtout, pour une raison inconnue, j’étais. Est- ce que…je ne me serai pas assoupi par hasard ? Nonononnon, tout ça est bien vrai. Enfin, je crois. Je ne comprenais pas sa réaction. Je veux dire…la plupart des gens vous parlent quelques instants, et puis filent quelque part, en vous oubliant très vite. Mais là, c’était tout simplement…waw. A l’annonce de la nouvelle de son recrutement, je lui décochai un simple sourire. Indifférent ? Non, juste un peu inexpressif. Heureusement que je sois un homme professionnel avant toute chose, sinon j’aurai sauté de joie. Je m’avançai calmement vers lui. Tout comme moi a-t-il dit. Ha ha, très spirituel…

- Je te félicite. Tu as toutes tes chances pour réussir ici.

J’hésitai un moment. Pas sur qu’il accepte ce que je compte lui proposer. Bon, je me lance, après j’aurai tout mon temps pour me maudire s’il refuse…

- Et si on fêtait ça ? …Au bar par exemple.

RP Achevé


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